Donjons et Dragons : L’Honneur des voleurs : Cette nouvelle adaptation du jeu de rôle culte arrive-t-elle à effacer les catastrophes du passé ?

© Paramount Pictures / Hasbro

Après des décennies de malédiction, les adaptations de jeux arrivent enfin à faire leurs preuves sur nos écrans. La version HBO de The Last of Us a réussi à prouver qu’entre de bonnes mains, les chefs d’œuvres vidéoludiques peuvent également devenir des chefs-d’œuvre télévisés. Après Joel et Ellie, ce sera au tour de Mario et les habitants du Royaume Champignon de nous surprendre.

Si ce long-métrage inspiré de la licence Nintendo promet déjà un spectacle grandiose, il y a une autre adaptation voilée par son ombre. Le jeu de rôle sur table Donjons & Dragons revient dans nos salles de cinéma et compte nous faire oublier les terribles projets qui l’ont précédé. Donner vie à un univers centré sur les possibilités infinies de l’imagination n’est pas une mince affaire.

Comment retranscrire le plaisir d’une campagne de plusieurs centaines d’heures en un long-métrage de 2 heures et 14 minutes ? À la réalisation, le duo Jonathan Goldstein et John Francis à qui l’on doit le scénario de Spider-Man Homecoming entend redorer l’image de la franchise sur grand écran. Est-ce qu’action et humour suffisent à faire de Donjons & Dragons : L’Honneur des voleurs une adaptation à la hauteur ?

Un univers impossible à adapter ?

Jusqu’à maintenant, la licence n’a jamais réussi son passage sur grand écran. Avant cette nouvelle tentative, il existait déjà 3 films dont personne ne se souvient. Leur médiocrité suffit d’unique raison à cette amnésie collective. Seulement voilà, Donjons & Dragons affiche un soudain regain en popularité ces dernières années.

Après sa mise en avant dans Stranger Things ainsi qu’au travers de campagnes diffusées sur YouTube, jamais ce jeu autrefois réservé aux nerds n’a été aussi célèbre. Les parties organisées par la chaîne Critical Role, portée par de grands comédiens de l’industrie du jeu vidéo, sont visionnées dans le monde entier et ont même donné naissance à leur propre série animée sur Prime Video.

L’univers du jeu de rôle n’est donc pas impossible à adapter, mais demande une attention toute particulière. Diffuser des sessions entières ou créer des spin-offs en saisons animées de plusieurs heures n’ont rien à voir avec l’exercice d’un long-métrage live-action. La structure temporelle est limitée et il en va de même pour les effets visuels.

S’il est possible de dessiner tout et n’importe quoi pour donner aux héros, créatures et paysages, le processus créatif d’un film est absolument différent. Comme Marvel nous le prouve, les effets spéciaux deviennent de moins en moins crédibles, faute de temps et de moyens. Malheureusement Donjons & Dragons : L’Honneur des voleurs souffre de cette nouvelle mode qui consiste à tout transposer avec des visuels générés en 3D.

Donjons et Autodérision

Loin des sets physiques des grands films fantastiques de l’époque, cette adaptation de D&D repose trop souvent sur des VFX inégales. Alors que certains décors sont bluffants, les pouvoirs magiques nous donnent parfois envie de mourir de rire tant ils font peine à voir. Pourtant, ce n’est pas le genre de rire qu’une comédie d’aventure souhaite nous tirer.

Donjons & Dragons : L’Honneur des voleurs tente tant bien que mal d’emprunter aux situations amusantes et chaotiques que les joueurs du jeu de rôle peuvent rencontrer. Selon les règles, les actions des personnages sont régies par des lancers de dés. Ainsi, la moindre prise de décision peut tourner au vinaigre par manque de chance. Si ces moments sont particulièrement efficaces au cours d’une partie ou de la diffusion d’une session, le long-métrage n’arrive jamais à émuler ces émotions de stress et d’amusement.

Crédits : Paramount Pictures / Hasbro

Seules quelques blagues viennent tourner les règles arbitraires du jeu en ridicule mais ne pourront faire mouche chez les spectateurs qui n’y connaissent rien. Le long-métrage passe son temps à faire de chaque situation un prétexte à la rigolade, ce qui ne favorise pas notre attachement à l’univers fantastique et ses personnages.

Plutôt que de nous offrir une bande de joyeux lurons que tout oppose mais qui travaillent vers un but commun, le film tombe droit dans le piège des clichés de la bande de loosers. On croirait presque que l’ensemble de la troupe d’aventuriers vienne de l’imaginaire d’enfants en train de jouer à Donjons & Dragons pour la première fois. Si l’on rigole sincèrement à quelques blagues bien ficelées, celles-ci se noient dans un océan de plaisanteries malaisantes.

Un manque d’identité

À vouloir jouer la carte du film tout public et familial, ce Donjons & Dragons souffre d’un véritable souci identitaire. Avec l’estampille du jeu de rôle, ce long-métrage compte attirer deux démographies entièrement différentes. Les geeks hardus espèrent y découvrir une belle transcription sur grand écran d’un univers qui leur est cher, tandis que le grand public y verra un film de high-fantasy pour une sortie du week-end.

Réaliser un film qui puisse convaincre ces deux publics distincts relève de l’impossible et Donjons & Dragons : L’Honneur des voleurs nous le prouve. Les références à l’univers sont trop subtiles pour les aficionados mais déstabilisent les nouveaux venus. Ça utilise un sort de druide par-ci, ça parle du passé d’une race par là, mais ces éléments trop légers ne servent pas le scénario et iront jusqu’à générer de la confusion chez certains.

Crédits : Paramount Pictures / Hasbro

Si l’on venait à retirer la marque du jeu de rôle au titre du film, la plupart des spectateurs n’y verraient que du feu tant la représentation de l’univers y est légère. Alors que les héros devraient se démarquer par leurs classes et leurs caractères, on ne découvre qu’un groupe de clowns tristes. Pourtant, cette équipe est formée d’acteurs charismatiques. Mais de Chris Pine, Michelle Rodriguez, Justice Smith ou Sophia Lillis, aucune performance n’arrive à réellement retenir notre attention.

Mention spéciale à l’inutilité du personnage de Regé-Jean Page (Bridgerton) qui est loin de faire honneur à l’acteur, jusqu’à nous laisser croire qu’il ne sait jouer qu’un seul type de rôle. Le plus surprenant dans tout cela, c’est que l’on ne s’ennuie jamais face à l’écran. Le long-métrage est bourré d’action et l’on se laisse facilement porter par cette aventure simplette. Mais simple est un mot clé : Donjon & Dragons : L’Honneur des voleurs ne prend aucun risque et propose un récit fantastique presque divertissant certes, mais si vide que l’on aura vite fait de l’oublier.

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