Euzhan Palcy devient la deuxième réalisatrice française à recevoir un Oscar d’honneur.

“La caméra, mon arme miraculeuse” : le vibrant discours de la cinéaste française Euzhan Palcy après son Oscar.

Euzhan Palcy avait frappé fort avec son film “Rue Cases-Nègres”, César du meilleur premier film en 1984. La cinéaste martiniquaise est devenue une pionnière du cinéma à Hollywood, en devenant la première femme noire à signer un film pour une major. Elle a reçu samedi un Oscar d’honneur.

Sa carrière cinématographique est longue, et pourtant méconnue en métropole. Samedi soir, la réalisatrice martiniquaise Euzhan Palcy a reçu une ovation, puis une statuette, lors de la cérémonie des Oscars d’honneur à Los Angeles. Une récompense amplement méritée tant la cinéaste est une pionnière, admirée aux États-Unis. Elle est la première femme noire produite par une major de Hollywood, en l’occurrence la Metro Goldwyn Mayer. Tout au long de sa carrière, Euzhan Palcy s’est battue en faveur de la représentation des personnes de couleur au cinéma.

“Épuisée que l’on me dise que j’étais une pionnière”

Euzhan Palcy, 64 ans, a donc reçu samedi la récompense des mains de l’actrice américaine Viola Davis (“The Woman King”, “Les Veuves”, “La Couleur des sentiments”). Elle devient la deuxième cinéaste française distinguée pour l’ensemble de sa carrière, après Agnès Varda en 2017.

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Toutes les convictions et la détermination d’Euzhan Palcy ressortent du discours prononcé samedi soir : “Beaucoup m’ont demandé pourquoi j’avais pris du recul par rapport à la carrière que j’aimais. La réponse est que j’ai pris du recul pour pouvoir vraiment me lever et me tenir debout”, a clamé la cinéaste. “Si je n’ai pas fait de films pendant quelques années, c’est parce que j’ai décidé de me taire, et j’ai gardé le silence parce que j’étais épuisée. J’étais tellement fatiguée qu’on me dise que j’étais une pionnière. J’en avais assez d’entendre des louanges pour avoir été la première d’un trop grand nombre de premières”.

Elle poursuit : “J’ai gardé le silence parce que j’étais épuisé… J’avais perdu ma volonté d’entendre ces mots : ‘Les Noirs ne sont pas banquables’. ‘Les femmes ne sont pas banquables’. ‘Noir et femme ne sont pas banquables. Allez les gars ! Regardez ma sœur (ndlr : l’actrice Viola Davis) qui se tient à côté de moi. Les Noirs sont banquables. Les femmes sont banquables.”

L’envie de reprendre le cinéma

Dans son discours d’une quinzaine de minutes, la cinéaste a semblé vouloir revenir derrière la caméra, qu’elle a délaissée, il y a plus d’une dizaine d’années : “Ce soir, on m’a donné du crédit pour ce que j’ai toujours dit : l’impossible est possible. Et vous faites jaillir en moi la joie de crier à nouveau. C’est mon coup ce soir, un coup d’inclusion, de fierté, de bonheur. Je félicite l’Académie d’avoir contribué à faire évoluer notre industrie et d’avoir ouvert les portes qui étaient fermées aux idées et à la vision que j’ai défendues pendant si longtemps. Cela m’encourage à élever à nouveau la voix pour vous offrir des films de tous les genres que j’ai toujours voulu faire à ma façon sans que ma voix ne soit censurée ou réduite au silence. Et, très important, mes histoires ne sont pas noires, mes histoires ne sont pas blanches, mes histoires sont universelles.”

Euzhan Palcy estime que ce prix lui donnera une nouvelle énergie, celle de reprendre sa vie de réalisatrice mise entre parenthèse : “Je n’étais pas derrière la caméra, en train de faire ce pour quoi Dieu m’a mis sur cette terre : diriger ma caméra, mon arme miraculeuse, comme je l’appelle, pour mettre en lumière notre humanité collective sur l’écran. Avec mon appareil photo, je ne filme pas, je guéris”, affirme la réalisatrice, sous les applaudissement.

Première femme noire à signer à Hollywood

Euzhan Palcy a frappé à la porte du cinéma avec “Rue Cases-Nègres” avait obtenu le César de la meilleure première œuvre en 1984, et le Lion d’Argent à la Mostra de Venise. Elle avait 26 ans. C’est une adaptation d’un roman de Joseph Zobel, qui l’a profondément marquée. C’était son livre de chevet quand elle était adolescente. Le film est une plongée dans la Martinique des années 30. Une grand-mère pousse son petit-fils de 11 ans à travailler à l’école, pour qu’il échappe au travail dans les plantations de canne à sucre. Le réalisateur François Truffaut l’a aidée à écrire le film, et l’a guidée sur le tournage.

Ce film lui a ouvert les portes d’Hollywood, où elle a adapté le best-seller anti-apartheid “A Dry White Season” (Une saison blanche et sèche) de l’écrivain sud-africain André Brink. La réalisatrice donne la parole aux Sud-Africains, dénonce la ségrégation liée à l’apartheid, et le racisme qui règne dans le pays. Dans le casting : Susan Sarandon et Marlon Brando. C’est l’unique fois où l’acteur américain apparaîtra dans un film réalisé par une femme. Elle l’a convaincu, lui qui n’avait plus jouer dans un film depuis neuf ans. L’acteur sera nommé aux Oscar. En sortant de prison, Nelson Mandela a demandé à rencontrer la réalisatrice, reconnaissant pour ce film qu’il avait apprécié. La rencontre se fera en 1995, cinq ans après la libération de l’homme d’État.

De nombreuses cinéastes et actrices noires se disent inspirées par le parcours d’Euzhan Palcy, qui l’érigent en exemple : Ava DuVernay, Amma Asante, Regina Hall ou encore Gina Prince-Bythewood. Euzhan Palcy a réalisé d’autres films, comme les documentaires engagés “Aimé Césaire, une voix pour l’Histoire”, une trilogie sortie en 1994, et “Parcours de dissidents”, en 2005. Elle y fait l’éloge des Antillais qui ont participé à la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale. Invitée à Créteil en 2019 à l’occasion du Festival international de films de femme, elle décrivait ainsi son travail de réalisatrice : “Avec ma caméra, je ne filme pas. Je répare… J’essaye modestement de guérir les blessures créées par l’Histoire”.

Au cours de la soirée, l’acteur de “Retour vers le futur” Michael J. Fox a également reçu une distinction. Sur scène, sur le ton de l’humour, il a lâché : “Vous me faites trembler, arrêtez-ça”, au moment de la standing ovation. Cet Oscar d’honneur vient récompenser son combat contre la maladie de Parkinson, une affection neurodégénérative dont il souffre depuis une trentaine d’années. Michael J. Fox consacre à présent son temps à sa fondation, qui récolte des dons pour financer la recherche contre cette maladie. Il a reçu un Oscar d’honneur pour son action en faveur de la lutte contre la maladie de Parkinson, une affection neurodégénérative dont il souffre depuis une trentaine d’années.

radiofrance.fr

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