Sur fond d’une cité brisée par la violence, le film mêle images fantasmagoriques autour du maraboutisme et réalité sociale sur la France d’aujourd’hui dans un maelström indigeste dégoulinant de clichés.
Depuis Banlieusards en 2019, la représentation de la cité dans le cinéma français a diamétralement changé de trajectoire. Fini la grisaille ambiante sur fond de rap hardcore, dans laquelle des caïds du dimanche vont d’appart en appart pour récupérer l’argent qui leur est dû. Désormais, elle sera représentée sous un nouveau jour, dans une veine réaliste propre à montrer les préoccupations sociales de ses habitants pour la plupart issus d’une immigration difficile.
Si Kery James réussissait (en partie) à capturer cette ambivalence grâce à une sincérité immaculée, propre à sa poésie musicale, Le Roi des Ombres l’esquive lui au bout de 20 minutes de film pour retourner dans ces bons vieux clichés sur une banlieue gangrénée par la violence de ses gangsters. Écrit et réalisé par Marc Fouchard, à l’origine du film de danse hip-hop Break, sur une idée originale de Kaaris, le film s’impose comme un nouveau sommet de médiocrité de la part du Netflix français, dans ce souci d’uniformisation qui tente de s’adresser à tout le monde, au risque de sacrifier sa substance narrative. Ibrahim (Kaaris, qui en fait des caisses) y est un gangster d’une cité indéterminée qui doit lutter contre des gangs qui veulent sa peau, tout en restant tout en haut de la pyramide face à une pression familiale inébranlable.
Son petit frère Adama (Alassane Diong, aperçu dans Tirailleurs), devenu aveugle au cours de son enfance après un accident malencontreux, tente de lutter contre la violence instaurée par son grand frère au travers de pulsions liés au… maraboutisme ? Au gré de rebondissements plus surréalistes les uns que les autres, Le Roi des Ombres cherche en vain à distiller un message fort sur l’immigration et la responsabilité de la France, autour d’une histoire entre mysticisme et chronique social qui convoque aussi bien Les Cinq Diables de Léa Mysius que Banlieusards de Kery James, mais qui finit par ressembler à un avorton sacrifié des deux.
L’imagerie classique du film de cité de ces 10 dernières années vient en prime alourdir l’ensemble : plans aériens, rêves de musiques rap, couples soumis aux différences religieuses et rapports personnels à la figure maternelle sont les ingrédients phares de cette bouillie dramatique qui atteint, durant son climax farfelu, un sommet d’improbabilité. Le jeu des acteurs ne fait rien pour rattraper le naufrage, avec un Kaaris qui, en plus d’avoir régressé musicalement, suit un chemin similaire dans le jeu d’acteur, perdant cette intensité pesante contenue dans ce corps ultra musclé arboré dans Braqueurs de Julien Leclercq, pour une interprétation manichéenne proche du ridicule. Surtout quand Ibrahim, pris d’une violence colérique, tape sur des mecs sans raison particulière… DE BOYZ N THE HOOD À POLISSE : KAARIS JUGE LES RAPPEURS À L’ÉCRAN
Le film se conclut par un morceau composé par le rappeur pour le générique, où il évoque sa vie de gangster à près de 43 ans sur un piano-voix ruiné par une autotune propre aux sonorités 2015-2016, là où le rap français cherchait à sortir des carcans du hardcore.
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