“Creed III”, une OPA sur l’histoire de Rocky

“Creed III” le nouveau film dérivé de la franchise Rocky est sorti mercredi dernier sur nos écrans français, et pour la première fois, Sylvester Stallone est absent du casting. Bonne ou mauvaise nouvelle ?

Laetitia : Ce matin Frédérick, vous savez me parler, vous voulez évoquer Creed III, la franchise dérivée de la saga Rocky !

Fred : Oui et aussi le premier épisode où Rocky/Sylvester Stallone n’apparaît pas, suite aux différents juridiques qui oppose ce dernier au producteur disparu Irwin Winkler et ses ayant-droits.

En gros, Stallone a beau avoir créé les personnages en 1976 : Rocky Balboa, Adrian, le beau-frère Paulie, l’entraîneur Mickey et le cultissime Apollo Creed ! Il a beau avoir écrit le scénario de quasiment tous les épisodes et avoir joué dedans, il n’est pas propriétaire des droits de l’univers qu’il a intégralement créé. Avant d’aller plus loin, Laetitia, je dois vous dire que je ne suis pas neutre dans ce débat d’un Rocky sans Rocky car j’ai versé plus de larmes devant la saga du boxeur italien que devant n’importe quel film « Ever ! ». Moi, quand je vois Stallone avec sa gueule cassée, qui traîne sa démarche un peu pataude dans les ruelles de Philadelphie, cherchant à dire à Adrian, timide vendeuse dans une animalerie qu’elle est la plus belle femme qu’il a jamais vu, ça me met dans un état !

Et puis ce ne sont pas de petites larmes !

C’est un mélange entre une rhinite et des gaz lacrymo pendant une manif ! Mon visage n’a plus aucune espèce de dignité. Vous me mettez devant un marathon Rocky, je vous résous la sécheresse à laquelle les paysans français font face en ce moment.

Je ne suis ni catholique, ni juif, ni musulman, je suis Rockyste !

– On vous sent nostalgique sur ce coup Frédérick !

Fred : Je voulais accorder à Creed III le bénéfice du doute. J’adore Michael B.Jordan, l’acteur qui joue Adonis, le fils d’Apollo. J’avais aimé le premier Creed de Ryan Coogler qui faisait de Rocky cette figure de vieux sage prolétaire, une sorte de mélange entre un film de Ken Loach et Christophe André qui aurait cessé d’aller à la salle. Même le moins bon Creed 2 où Adonis s’opposait au fils de Drago, le terrible boxeur russe de Rocky 4, m’avait cueilli dans ces scènes intimistes où Adonis découvre le handicap de son nouveau-né. Concerné par le sujet, les paroles de soutien de Rocky m’avaient fait autant de bien à moi qu’à Adonis.

Mais me disais-je, peut-être qu’après autant de films avec Rocky, il était normal qu’Adonis Creed vole de ses propres ailes. Après s’être approprié le nom de son père, Apollo Creed, il était peut-être normal qu’il s’approprie la franchise de son père spirituel, Rocky Balboa.

Le problème, c’est que dans ce film réalisé par Michael B.Jordan lui-même, avec des effets de mise en scène interessants qui démontrent l’amour que ce dernier a pour les animés japonais, on a droit à une histoire qu’on a déjà vu dans Rocky 3. On voit apparaître le personnage de Damian un ami d’enfance d’Adonis, joué par le charismatique et très très intense acteur Jonathan Majors; Lui? quand il est à l’écran et qu’il prend un café, dans ses yeux, tu vois combien le paysan colombien a été payé pour ramasser son grain de café. Il ajoute un sucre et il te joue le diabète qui se développe.

Il joue un boxeur prometteur issu des quartiers, qui a passé 18 années de sa vie en prison pour un crime qu’il n’a pas commis, et à sa sortie, il estime à juste titre qu’Adonis s’est approprié son rêve et la vie qui va avec. Et c’est bien ça le problème de Creed III, c’est qu’en 3 films, Michael B.Jordan, tel le coucou qui s’installe dans le nid des autres, campe un personnage qui squatte en permanence le rêve de ceux qui l’entourent.

  • Apollo Creed.
  • Rocky
  • et désormais Damian, qui est le vrai héros de ce Creed III…

Et j’ai personnellement beaucoup de mal à m’attacher à un “fils de”, beau gosse, peté de thune qui contemple Los Angeles du haut de sa villa luxuriante, marié à une star de la chanson incarnée par Tessa Thompson, film qui finalement ne consacre que la réussite et les signes extérieurs de richesse qui vont avec, là où Rocky 3 les remettait en question. Voir Rocky faire l’inventaire de son restaurant avec des mitaines sous le ciel gris et hivernal de Philadelphie, reste plus inspirant que tout le bling-bling de Creed. Michael B.Jordan a appris beaucoup de Rocky sauf une chose : on crée des grandes sagas non pas avec des winners incontestés mais avec des perdants magnifiques.

Podcast Radio France du 3 Mars 2023

REGARDER CREED III